Laeticia, Junker, Youtube, et la liberté

Bravo.

Félicitations Laeticia, l’intégrité est quelque chose de si rare, si précieux, ça me bouleverse quelqu’un qui tient tête, qui ne se laisse pas impressionner. Si tout ce que tu as raconté sur cette aventure est vrai, c’est admirable, respect.

Je résume: Youtube a organisé une campagne pour faire interviewer Junker par des Youtubeurs sympas, ils ont sélectionné parmi d’autres Laeticia pour servir la soupe sans danger. Manque de bol, Laeticia a bossé le sujet et préparé de vrais questions.

« On m’a suggéré de demander à Mr. Juncker “Qu’est-ce que le bonheur ?”, d’évoquer son téléphone Nokia 3310 et son chien qui s’appelle Platon. »

On a fait pression sur elle pour qu’elle ne les pose pas, elle a résisté, et elle a envoyé du lourd. Laeticia ira ensuite jusqu’à refuser un contrat dont elle rêvait avec Google, pour ne pas se faire acheter. Plus de détails ici, avec notamment l’incontournable sexisme qui s’est illustré dans cette opération: logique, on est  dans le monde de la com, Coco!

Je vais maintenant ergoter sur le fond mais avant toute chose j’aimerais insister: respect total pour cette leçon d’intégrité.

Là où je ne suis pas d’accord, c’est sur les dernières secondes de ta vidéo. Tu es pleine d’enthousiasme et tu défends « une plateforme en laquelle on croit et qui doit rester libre ».

Youtube n’est pas un espace de liberté. Youtube, et donc Google, est une entreprise. Sa raison d’être est le profit, ce n’est pas un service public, il ne saurait être question de valeurs ou de démocratie. Lorsque tu endosses ce rôle d’évangéliste pour Youtube, pour moi tu renies les valeurs en lesquelles tu sembles croire.

Crois tu vraiment que les créateurs de ces services que sont twitter, facebook et autres youtube se sont assis un matin à leur table en se disant: « allez zou, je vais inventer un outil extraordinaire qui mettra les gens en contact afin de sauver le monde et promouvoir la démocratie »?

Non. Une startup ça bidouille, et un jour ça se vend le plus cher possible.

Ces outils sont effectivement extraordinaires, l’utilisation conjointe de toutes ces plateformes qui nous donnent des possibilités inédites de diffusion et de partage peuvent effectivement nous aider à promouvoir la liberté, mais Google peut fermer ton compte, facebook et twitter peuvent censurer tes contenus, ils en ont le pouvoir et ils en ont le droit. Il n’est pas question de liberté. Il est question de contrat et d’intérêts.

C’est important parce que ces services sont hégémoniques et qu’ils se veulent toujours plus la vitrine unique du monde. Beaucoup d’internautes ne voient qu’à travers eux. Je peux comprendre qu’on les utilise, moi même je le fais abondamment, mais il me semble qu’il faut toujours garder à l’esprit ce que sont ces entreprises, et ne surtout pas en attendre de la liberté.

La liberté est ailleurs. Ca s’appelle le logiciel libre justement et des alternatives existent. Si tu t’intéresses à ton audience, je le concède, c’est plus compliqué. Mais la liberté n’a pas de prix, une femme aussi fière que toi doit le savoir 🙂

 

PS: l’interview de Junker dans son intégralité

12 réactions sur “Laeticia, Junker, Youtube, et la liberté

  1. Ouah!! Très agréable surprise constater qu’une jeune citoyenne se pose les vraies questions et fait passer son intégrité avant tout. Bravo. Visionner cette vidéo qui informe honnêtement, pose les seules réelles questions notamment au niveau du lobbying est du bonheur pur.
    Félicitations, continuez car les sujets à traiter sont malheureusement très nombreux.

  2. Je me suis fait la même réflexion sur la fin de la vidéo. Penser que Youtube est un espace de liberté est un peu naïf. Le plus certain, c’est que Youtube va rien dire pendant quelques semaines/mois, puis quand le buzz sera redescendu, son compte va subitement avoir moins de vues, de moins en moins de sollicitations ou de mises en avant voir plus du tout. Elle a eu un certain courage, mais pour être libre, il faut choisir d’autres outils 🙂

  3. Je ne suis pas entièrement d’accord.
    Je vois youtube plus comme un embryon d’un modèle économique et culturel nouveau qui grandit dans le ventre du capitalisme. Et je pense qu’un jour il prendra sa liberté! Alors oui, je ne parle pas du *service* youtube qui, vous avez tout à fait raison de le dire, **appartient** à google. Je parle de la *culture* youtube qui fait de plus en plus parti de notre environnement et dans lequel de plus en plus de gens grandissent avec cette vision qu’elle a que vous qualifiez de naive, d’édulcorée. Le truc, c’est que google détient le service, mais il ne détient pas la culture qu’il nourrit lui même abondamment. Et le jour où, comme vous le rappellez, google vendra sa startup, le jour ou il trahira ces principes de libertés auquel *crois naivement* les utilisateurs (du service) youtube, ceux ci partiront. Ils diront « ah youtube ce n’est plus ce que c’étais » et un nouveau service, en phase avec son temps, apparitra pour répondre à la demande de ceux qui recherche la *culture* youtube.
    En conclusion, en ce qui me concerne, je ne suis pas choqué par ce qu’elle dit à la fin, pcq moi j’entends «la culture du pair à pair, du bien commun, du libre» en opposition à la culture du «star sytèm» et du «corporate». Et il faut avouer aujourd’hui que, bien que corporate, le service qui démocratise et alimente le mieux cette culture aujourd’hui, c’est youtube, non? (un peu commme un bic ou un frigidaire)

    1. C’est quoi les principes de liberté de Google?
      Et non, personne ne partira, à chaque fois qu’une plateforme « trahit » ses pigeons, il y a un buzz, ça gueule, mais on constate que tout le monde reste.

      1. Les «principes de libertés» sont ceux que prête la communauté, naivement et à tort, je suis parfaitement d’accord, à google et youtube (et c’est pour cela qu’il y a svt des indignations qd les gens se rendent compte de la réalité). Mais, avant tout, ce sont ceux qui sont dans l’imaginaire collectif de ce qu’est la culture youtube.
        Et oui de meme je suis d’accord, il ne me semble pas concevable que du jour ou lendemain les gens se mettent à déserter massivement youtube, ou facebook, mm suite à un coup d’éclat. Je dis juste qu’un jour une génération dont le lait aura été tout ces principes tout cet imaginaire collectif, trouvera simplement youtube vieillot et dépassé s’il en devient trop, comme nous l’avons fait pour myspace et copain d’avant. Et que cette génération sera un nouveau marché pour de nouveau services plus en phase avec elle. Maintenant est ce que c’est services seront tant ancré dans le système capitaliste? je rêve que non. Mais au moins on peut reconnaitre au service youtube qu’il mis un sacré coup de poing au star sytème ce qui pour moi est déjà bcp.

    1. Je n’en sais rien, je ne la connais pas. C’est pour ça que j’ai précisé ‘Si tout ce que tu as raconté sur cette aventure est vrai’.
      Maintenant qu’elle essaye de faire mousser le truc, évidemment, que ce soit pour la défense de la liberté ou de ses intérêt, une fois de plus je n’en sais rien. Ca se trouve c’est un peu des 2.
      Quant à l’article de Numerama, pour ma part je ne prétends pas du tout que c’est une machination Youtube, c’est juste une scène pitoyable du monde de la com dans lequel on vit. Le point qui m’intéressait et que je voulais développer c’était le rapport de la liberté et les plateformes privées.

  4. « Youtube est une entreprise, pas un service public »

    La definition de la liberte pour toi c’est le service public? Tu veux dire un truc obligatoire et monopolitaire qui t’envoie en prison quand tu refuses d’y souscrire?

    On n’a pas la meme definition de la liberte mon pote.

    1. Je voulais juste dire que pour moi la liberté se définit dans l’espace des communs, sur l’acceptation de règles communes. Ca n’est pas possible dans la relation client/fournisseur.
      Bonne journée mon pote.

  5. Mêmes réserves que JCFrog sur cette histoire. Youtube une plateforme libre ? Dans quel univers vit-elle ? N’a-t-elle jamais entendu parler des GAFA ?
    Et puis utiliser Youtube pour diffuser une vidéo qui dit que Youtube veut la censurer, c’est étrange…

  6. La petite vidéoblogueuse est rudement culottée (surtout quand on la compare à un journaliste institutionnel)… mais cela dit, Jean-Claude Juncker l’a jouée assez finement: pas d’indignation, pas de mouvement de recul, quelques traits d’esprit, une pratique souriante de la plus entière mauvaise foi (le coup des anciens fraudeurs qui servent la police pour excuser les anciens patrons de paradis fiscaux qui prétendent défendre le bien public, c’est du complete bullshit mais aussi de la très bonne comm), de bonnes techniques de storytelling pour faire valoir que « c’est plus compliqué que ça »… globalement, son discours est beaucoup trop poli pour être honnête, mais on peut reconnaître qu’il est emballé avec beaucoup de talent.

    Les ennemis du bien public ne sont pas tous de gros connards arrogants; ça ne les rend que plus dangereux, mais bon, on peut être assez fair play pour saluer le travail d’artiste.

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