Supplique citoyenne #education #internet

Très chers professeurs, très chers proviseurs, et surtout chers ministres,

je vous en conjure, entendez ma supplique: cessez d’enseigner “internet” à mes enfants.

charte internet francais

Ceci n’est pas une agression contre les corps enseignants, c’est une proposition de débat où je risque de ne pas toujours être très tendre, mais je suis un peu las de cette imposture. Et puis ici c’est internet, vous avez droit de réponse.

Pour y aller franco je le dis en un mot: vous n’êtes pas légitimes pour cela.

Pas plus que je ne le suis à me déclarer prof de physique quantique demain matin. Vous n’avez à priori aucune aptitude à aborder cette matière. Pourtant des enseignants de toutes les matières sont appelés à intervenir pour appliquer les prérogatives de l’EN dans toute la France afin de faire de la prévention auprès de nos enfants. Et nos enfants rigolent.

Internet n’est pas une technologie, c’est une nouvelle science humaine. L’interconnexion de tous les individus de la planète n’est pas chose simple à appréhender, personne n’y a été préparé, cela remet tout en cause, à commencer par l’éducation, puisque même votre légitimité de référence dans le savoir est sujet à l’obsolescence.

Il n’y a pas si longtemps que cela quand un professeur rentrait dans sa salle de cours dominait une « présomption d’incompétence » de élèves. Aujourd’hui, le professeur sait qu’il n’a plus le monopole du savoir ou de l’expertise car il y a de grandes chances que les étudiants se soient au préalable renseignés sur le sujet traité par la leçon. (lire plus)

Mais c’est une autre histoire.

Reste qu’enseigner à mes enfants que wikipedia est plein de bêtises parce que les gens écrivent dedans (faux), qu’ils ne doivent pas s’exprimer sur leurs opinions religieuses ou politiques, ou qu’il ne faut pas parler à des inconnus (1) est du même tenant que si vous leur enseigniez de se résoudre à l’évidence que la terre est plate ou de se méfier des chleus qui ne sont pas des gens comme nous.

Si, si, on en est là.

Internet est un bouleversement majeur et pour la plupart vous n’y connaissez rien. Ce n’est pas un reproche ou une insulte, nul ne saurait reprocher à qui que ce soit l’ignorance de quelque sujet que ce soit, simplement il est fou dès lors de vouloir l’enseigner.

Surtout ne croyez pas que je sois indifférent aux problèmes de prévention ou de sécurité (2), sur Internet comme ailleurs je suis un papa sévère, mais il est bien triste d’aborder la vie par l’exclusive menace du drame.

be afraid internet

Dans vos programmes classiques vous réservez une part infime, quand elle existe, à l’éducation civique. Pourquoi prend-elle toute la place quand il s’agit de la vie en ligne? C’est un peu comme si toute l’année votre seul programme était d’inculquer aux enfants que les livres c’est dangereux parce que Mein Kampf, Marquis de Sade et Gala.

Il n’y a pas une vie réelle et une vie en ligne, il y a la vie. Mes enfants ne connaîtront jamais le monde déconnecté qui était le notre. Ils ont accès à tout, le partage de la connaissance, l’échange, la découverte des autres, choses dont l’homme fut privé depuis toujours. Cette chance inouïe mérite d’être exploitée à son maximum, de s’investir, de faire preuve d’humilité (beaucoup d’humilité), de tous se rassembler pour découvrir ensemble, nous et eux, ce qui pourrait nous permettre d’enfin briser toutes les frontières et construire un monde plus juste (oui j’ai une formation Miss France). Certains enfants ont plus à vous apprendre en la matière que l’inverse. Cela ne minimise en rien votre rôle d’adulte et d’enseignant. Vous n’êtes pas attaqués, vous êtes interpelés.

Je sais que vous faîtes ce qu’on vous dit, du mieux que vous le pouvez, je vous demande juste de reconsidérer la question, de refuser d’endosser une mission qui n’est pas la vôtre, et de la confier si besoin est à la société civile, des gens ouverts, désintéressés, bienveillants et volontaires, d’écouter ceux qui parmi vos collègues se battent vaillamment au quotidien pour introduire ces nouveaux usages dans les classes, et surtout, surtout, de ne pas mettre mes enfants en face de courtiers en assurances.

Puisque pire que tout, et preuve que vous sentez bien que vous n’êtes pas dans votre rôle, vous sous-traitez à des intérêts privés la tâche “d’éduquer mes enfants à Internet”. Le cauchemar est complet.

Si je vous dit tout ça c’est parce que j’en ai l’envie, et parce que je suis un peu hypocrite: je ne m’inquiète pas pour mes enfants. Ils savent que vous leur racontez n’importe quoi. Mais c’est parce que je vous aime et que je m’inquiète pour vous. Ouvrez vous à ce truc qui vous fait peur, nous sommes nombreux à vouloir vous y aider, sans aucun sentiment de supériorité, en toute égalité, en toute fraternité, pour la liberté.

S’il vous plait.

PS: ne vous vengez pas sur mon orthographe, vous êtes plus grands que cela 🙂

PPS: je sais, il y a des profs super connectés.

(1) ce ne sont que quelques anecdotes rapportées par ma progéniture mais pour les avoir déjà partagées, il semble qu’elles ne soient pas exceptionnelles.

(2) voyez, moi aussi je me préoccupe de prévention depuis longtemps:

puis je publier

ecole20_b

 

32 réactions sur “Supplique citoyenne #education #internet

  1. En un mot: Merci !

    Vraiment cela résume exactement ma pensée sur l’incompétence de l’EN sur le sujet. Et comme tu le précises ce n’est pas une attaque sur les personnes que sont les enseignants mais bien sur le système éducatif qui est inadapté à la société actuelle.

  2. « Cessez d’enseigner “internet” à mes enfants, vous n’êtes pas légitimes pour cela. »

    Tes enfants baignent dans ton monde hyper connecté, mais ce n’est pas pas du tout une généralité. La grande majorité des élèves sont très naïfs vis à vis d’internet (et de l’informatique en général). Ce n’est pas parce qu’ils sont branchés en permanence qu’ils ont tout compris (on le voit bien lorsqu’on leur demande autre chose que de cliquer sur IE et google, vous n’imaginez pas leur pauvre niveau).
    Alors je suis d’accord que ce devrait être aux parents de leur donner cette éducation « internet » mais en sont ils vraiment capables ? Pas plus que les profs je pense …

    Il me semble surtout que tu regardes avec le petit bout de la lorgnette : nos enfants n’en savent vraiment pas tant que ça sur le monde internet : ils ne font que le consommer !!!

    Alors qui et comment les informer ? C’est certain que les profs ne sont pas formés pour (si on était formé pour quoi que ce soit ça se saurait), que les parents ne sont pas mieux ou ont d’autres préoccupations, reste les acteurs du Net mais il faudrait qu’ils viennent au contact de nos jeunes …

    « il y a de grandes chances que les étudiants se soient au préalable renseignés sur le sujet traité par la leçon. »

    Ah ah ah !! Déjà s’ils avaient ouvert leur cours avant de venir ce serait un miracle, alors se documenter au préalable, laisse moi rire. Cela peut être vrais pour quelques rares étudiants mais certainement pas pour des collégiens ou lycéens.

    « Reste qu’enseigner à mes enfants que wikipedia est plein de bêtises parce que les gens écrivent dedans »

    Normalement on leur apprend a avoir un oeil critique et donc a vérifier leurs sources : il y a de bonnes et très bonnes choses dans wikipedia mais il y’a aussi des choses fausses. Exactement comme dans toute source de documentation.

    TV (prof de biotechnologies )

    1. Je ne suis pas d’accord, mes enfants baignent dans le même monde que les autres et ils sont plutôt moins connectés que leurs copains.
      Par contre c’est vrai ils ont un papa qui connait.
      Certes c’est très prétentieux d’affirmer ça mais je le pense.
      Je dis juste que les profs sont exactement comme tous les autres citoyens, en grande majorité totalement largués (une fois encore ce n’est pas un reproche) et méfiants, voir malveillants pour certains (ça c’est un reproche). Mais je maintiens qu’il est inouï de vouloir enseigner quelque chose qu’on ne connait pas.
      Et confier ça à AXA assurances, on touche pas le fond là?

      Le problème est de toute façon bien plus large, je m’adresse (modestement) aux profs mais en fait surtout au big boss de cette Education Nationale ultra verticale comme toutes nos institutions. Je ne rêve pas de voir des « profs d’informatique » débarquer, je suis pour tout changer 🙂 => http://jcfrog.com/blog/sugata-mitra-construire-une-ecole-dans-le-cloud/

      Quant à ton cynisme sur la naïveté des propos de Michel Serres, je peux comprendre quand on vit le terrain actuel, mais justement c’est bien le problème: une école digne de ce nom devrait donner l’envie. Ca te fera peut être rire mais je suis Montessoriste convaincu.

      Je suis heureux d’apprendre qu’on enseigne à mes enfants l’esprit critique, moi qui croyait qu’on leur apprenait à bachoter et recracher du par coeur à longueur de devoirs et contrôles incessants.

      Sur Wikipedia, oui il y a des trucs faux, comme dans l’Encyclopædia Universalis, comme dans les cours que donnent les profs, comme partout. Et alors? On apprend aux enfants que les profs ou les encyclopédistes ne disent que des bêtises?

      1. « Par contre c’est vrai ils ont un papa qui connait. »
        Ce qui fait toute la différence !
        Pourquoi les enfants de profs réussissent mieux à l’école ? Parce que leurs parents connaissent les règles.
        Au fond de la ZEP, avec papa qui travail de nuit et maman qui s’occupe des 5 petits derniers, c’est pas la même chanson.

        « Mais je maintiens qu’il est inouï de vouloir enseigner quelque chose qu’on ne connait pas. »

        Si tu s’avais : on passe notre temps a faire ça lol (j’exagère mais ce n’est pas loin)

        « Quant à ton cynisme sur la naïveté des propos de Michel Serres, je peux comprendre quand on vit le terrain actuel, mais justement c’est bien le problème: une école digne de ce nom devrait donner l’envie. Ca te fera peut être rire mais je suis Montessoriste convaincu. »

        Pour apprendre, il faut en avoir envie et il faut être prêt a se donner du mal. Actuellement un grand nombre de nos élèves n’ont pas envie et ne veulent surtout pas se faire du mal. Et je ne pense pas que ce soit un problème lié a l’école mais a la société : nous avons tout, pourquoi se faire chier. Même la connaissance est dans wikipédia, alors pourquoi apprendre ?
        Alors oui, en Inde ça marche, mais dans son fauteuil en cuir devant une partie de WOW, avec un grand verre de coca : non ça ne marche pas.
        C’est cynique, mais c’est tellement vrai :-/
        Moi franchement, je ne sais pas comment leur donner envie d’apprendre. Ils n’ont pas de passion, ils savent que de toutes façons ils auront un diplôme, ils ont les SMS illimités et le frigo de papa et maman est toujours plein … tout va bien !

        « moi qui croyait qu’on leur apprenait à bachoter et recracher du par coeur à longueur de devoirs et contrôles incessants. »

        Une vision un peu dépassée ?
        Des analyses de documents, des projets, oui, mais du par coeur ça fait longtemps qu’on ne leur demande même plus d’apprendre une formule chimique ou un théorème (puisque tout est sur le Net 😉 ).
        Le problème c’est que du coup on leur demande de réinventer la roue a chaque fois qu’ils doivent prendre leur vélo. Pas sur qu’on gagne du temps …

        Mais ne croyez pas que je broie du noir, la vie de prof c’est super et de voir que ceux qui ont la gnac réussissent est un réel plaisir.

        Bon, on s’éloigne du sujet là …
        Sinon, j’aime bien ta première affiche, je vais la faire afficher dans le CDI 🙂

        1. Pourquoi vouloir à tout prix qu’on « se donne du mal » ?

          Avoir envie, certes… mais on décourage plutôt la curiosité des enfants. On les oblige à tout savoir par cœur alors que l’esprit critique relève plutôt de la recherche d’arguments ou de contre-arguments…

          Mais « se donner du mal » ? Pourquoi apprendre devrait nécessairement être un effort, voire une souffrance ? Et si on essayait le plaisir ? Je crois que le vision académique de l’éducation basée sur l’effort est justement ce qui décourage nos jeunes.

          1. Parce que sans effort il n’y a pas de plaisir 😉 Quel plaisir de gravir un sommet si c’est facile ?
            Croire que tout peut être facile, plaisant, ludique c’est un fantasme.
            Dans le sport on ne se pose pas la question : on en chie pour y arriver, c’est dur, on souffre, mais au final on arrive haut.
            Pour la connaissance c’est pareil. Apprendre c’est dur, ça demande des efforts mais la récompense est forte.
            Si tout est facile, il n’y a plus d’envie.

            Et je le répète, le par coeur, ç’est fini depuis longtemps (malheureusement)

          2. jamais compris cette vision de la vie qui est ultra majoritaire. J’ai détesté l’école d’un bout à l’autre parce que ce n’était que ça, l’effort pour l’effort.
            Je détestais travailler.
            Puis j’ai été libéré.
            Depuis je travaille et j’apprends énormément, pour le plaisir 🙂

          3. @Thierry : « Parce que sans effort il n’y a pas de plaisir 😉 Quel plaisir de gravir un sommet si c’est facile ? »

            Outre qu’il peut y avoir du plaisir sans effort, tu oublies surtout que tout est dans le choix. Fournir un effort pour une activité qu’on n’a pas choisi, c’est à coup sûr décourageant. Si l’on veut motiver, alors choisissons des méthodes (et elles existent) qui permettent d’atteindre ce moment où l’on est prêt à fournir un effort pour aller plus loin, mais en le choisissant, parce qu’alors on a perçu l’intérêt de la chose…

            « Croire que tout peut être facile, plaisant, ludique c’est un fantasme. »

            Je ne le crois pas, mais ce n’est de toute façon pas en caricaturant que tu fais avancer le débat. Pourquoi réduire notre position à cela ? On n’a pas dit que tout était facile, jamais…

            « Et je le répète, le par coeur, ç’est fini depuis longtemps (malheureusement) »

            Tu peux définir « longtemps » ? parce qu’encore récemment on demandait à mon fils du par cœur tellement parfait que s’il n’était pas restitué au mot prêt, il avait juste zéro !

            Et pourquoi malheureusement ? C’est souvent dans ta vie qu’on t’interdit de rédiger un rapport ou construire un dossier seulement en te basant sur ce que tu connais par cœur ? Moi, je passe mon temps à chercher, jamais à restituer quelque chose d’appris par cœur…

        2. j’en serais très honoré 🙂
          Sinon je partage l’avis de Jeff, souffrir pour apprendre, y’a surement un truc à changer là, rapport à nos cerveaux reptiliens 😉

          1. « Fournir un effort pour une activité qu’on n’a pas choisi, c’est à coup sûr décourageant. »

            Comment je choisi, si je n’ai pas essayé ?
            Moi manger des pâtes toute ma vie, ça me va j’aime ça. Mais peut être que le caviar, ça me plairait (ou pas …) 😉
            Après je suis d’accord a 100% sur le fait qu’en France, on veut tout faire et qu’on ne laisse pas suffisamment le choix au élèves sur leur discipline. Et ça c’est un vrai problème.
            On devrait en primaire apprendre les bases (math, français, anglais), au collège faire de la découverte (pour pouvoir choisir) et au lycée faire ce dont on a envie.

            « Tu peux définir « longtemps » ? » et « Et pourquoi malheureusement ? »

            C’est un très long débat …

            En fait ça dépend des niveaux :
            Si on veut réfléchir il faut avoir des connaissances et il faut bien a un moment les apprendre par coeur. Et pour apprendre par coeur il faut un cerveau malléable donc jeune. Par exemple, apprendre les verbes irréguliers à 5 ans comme une récitation, c’est facile. A 15 ans c’est méga chiant.
            Donc au lycée ça fait plusieurs années qu’on n’apprend plus rien par coeur. On fait de l’analyse. Enfin on essaye car comme ils n’ont jamais rien apprit par coeur, ils sont obligés de tout réinventer a chaque fois :-/

            C’est notre gros problème : actuellement l’idée ambiante est que tout la connaissance est disponible facilement (internet) donc pas besoin d’apprendre, on peut réfléchir tout de suite. Oui mais avec une tête vide ça sonne vite creux …

          2. « C’est notre gros problème : actuellement l’idée ambiante est que tout la connaissance est disponible facilement (internet) donc pas besoin d’apprendre, on peut réfléchir tout de suite. Oui mais avec une tête vide ça sonne vite creux … »

            On touche peut-être la au cœur du problème : cette certitude qu’enseigner c’est remplir un vide. C’est un mythe. L’important n’est pas que la tête soit pleine ou vide (sauf pour réussir dans notre système aux examens ou aux concours) ; l’essentiel c’est que la tête fonctionne… il faut un cerveau affuté, dont on sait se servir, qui nous permet de formuler des hypothèses, de fournir des analyses, voire de pondre quelques conclusions. Cela, ce n’est jamais du par cœur.

    2. « nos enfants n’en savent vraiment pas tant que ça sur le monde internet : ils ne font que le consommer !!! »

      Ah bon ? Vraiment ? Si tel est le cas pour la télé (passivité absolue, lavage de cerveau, aucune participation, aucune contribution). Il me semble au contraire qu’en ce qui concerne internet ils sont acteurs, voire contributeurs.

      Il partage des informations en les relayant sur Facebook ou Twitter. Ils choisissent de le faire. Ils s’enregistrent et publient leur vidéos sur YouTube ou leurs billets sur leurs blogs. Ils commentent des articles ou des billets…

      D’ailleurs, y’a qu’à voir comment ils rendent vivants la télé en twittant tout en la regardant.

      Je ne pose pas de jugement de valeur sur ce qu’ils font. Je constate simplement qu’ils ne font pas « que consommer »

  3. Puisqu’on parle de l’esprit critique… hier mon fils me rapportait un cours qu’un prof leur a donné. Ils abordaient le sujet des OGM. Le prof leur disait qu’on fabriquait des pastèques carrées (faciliter d’entreposage et de transport) et des cochons fluorescents (pour économiser l’éclairage dans la porcherie). Photos à l’appui, bien entendu, pour étayer ses affirmations…

    Et pan, tout à coup ils leur avoue que tout est faux, qu’ils doivent faire attention à ce qu’on leur raconte, quand bien même c’est un prof qui le dit, et qu’ils doivent être prêts à remettre en cause par eux-mêmes les informations qu’ils reçoivent !

    Bref, du vrai enseignement, pas besoin de diaboliser pour faire prendre conscience de ce qu’est l’esprit-critique. Génial ! Et les élèves ont adoré cela, bien que pris en flagrant délit d’acceptation aveugle.

  4. « Donc au lycée ça fait plusieurs années qu’on n’apprend plus rien par coeur. »

    J’aimerais tellement que ça soit le cas, mais ça ne l’est pas. Peut-être que ça dépend de la filière. En tout cas, en filière scientifique, pour parler de ce que je connais, de manière générale, on ne nous encourage pas à critiquer, questionner.

    En physique-chimie, en fin de terminale, j’avais une « petite » cinquantaine de formules à connaître par cœur. La raison ? « La calculatrice sera peut-être interdite pendant l’épreuve ». Au final, mais personne ne nous a rien dit, la calculatrice était effectivement interdite, mais par contre, avec le sujet était fournie une annexe contenant toutes les formules dont nous avions besoin durant l’épreuve. J’ai eu de la chance, je suis tombé sur un sujet sur lequel j’étais relativement à l’aise.

    En maths, un peu mieux, mais bof en fait. Il y avait peut-être moitié moins de formules. On nous a dit de les apprendre par cœur, pareil, avec la même raison. La différence, c’est que pour chaque, on avait une démonstration. Ma tête étant ce qu’elle est, il était plus facile pour moi de refaire la démonstration plutôt que d’apprendre par cœur une formule sans aucun sens (« je pars de ‘ça’, je dois arriver à une forme qui ressemble à quelque chose d’exploitable, go »). Donc à chaque épreuve, je refaisais la démonstration. Le risque ? Ça prend du temps. Beaucoup. Je crois que je n’ai pu finir que les devoirs maison. L’autre risque ? Les fautes de calcul. Malgré ça, j’ai réussi à avoir 11 au bac, en n’ayant pas le temps de faire le dernier exercice, et en faisant une faute de calcul sur le premier. J’ai eu des points pour les démonstrations, réussi le second exercice, et le dernier n’offrait pas beaucoup de points.

    En sciences de l’ingénieur, peu de formules, des formules qui étaient de toute façon à connaître pour la physique. Pas de souci ici. Assez peu de remise en question nécessaire, on était plutôt dans le très concret.

    En français, on nous demandait de pouvoir citer à peu près n’importe quel auteur, sous prétexte qu’ils sont tous des canons (faux à mon avis, enfin bref). Concernant les épreuves, pas de citation d’auteurs prouvant qu’on a écouté en cours/est d’accord avec ce que raconte l’auteur = mauvaise note. Formatage bonjour.
    Histoire, même principe, les auteurs en moins, les dates précises en plus (oh oui, 3000 ans de dates à retenir par cœur, supayr !).

    Les révisions de physique-chimie m’ont exaspéré assez rapidement, vu que je réalisais que ce qu’on nous demandait était absurde. En histoire-géo, j’ai pas appris mes dates par cœur, j’ai eu 4. Je ne sais même pas si ce que j’ai raconté se tenait, je pense que j’ai perdu mes points parce que je n’ai pas donné de date.

    Finalement, la seule matière qui propose l’enseignement de l’esprit critique, c’est la philosophie. Pour ça, je suis content d’avoir repiqué ma première, j’en ai eu 3 ans au lieu de 2, et j’ai eu un bon prof (le même les 3 ans). C’est la seule matière dans laquelle, sur des choses qui ne me paraissaient pas logiques, j’ai pu avoir un vrai débat avec le prof, avec la classe, des vrais arguments, un vrai principe de nuance des choses, et dans laquelle on ne finissait pas par me couper la parole sur un « c’est comme ça, arrête de chercher ». Mais toujours, pour les épreuves, on nous demande de citer, le plus possible, des auteurs. C’est pour ça que j’étais très intéressé en cours, et ai eu 6 au bac, toujours avec le soutien de ce prof (j’ai honte, je ne me souviens plus de son nom). Dans les matières dans lesquelles j’avais des sales notes, c’est le seul prof qui ne m’ait pas bashé sur mes bulletins, et pendant les rencontres parents-profs.

    Dans mes études supérieures, toujours pas d’esprit critique, du par cœur, et vue la filière, du concret. Mais pas d’esprit critique.

    Depuis, j’essaie de voir toutes les conférences de Franck Lepage (entre autres, mais les autres sont hs) ; c’est long. Mais ça vaut le coup.

    Désolé pour le pavé…

  5. @Romain je compatis, mes enfants vivent exactement ça. On essaie de « remplir » leurs têtes « vides ». Au collège, pas de place ni de temps pour inventer, rechercher, innover, imaginer. Non il faut apprendre (@Thierry Vesin il ne font presque que ça et je vous confirme qu’on le demande au mot précis!) et tout recracher aux innombrables evaluations (parfois 4 dans la même journée). Musique, arts plastiques, sport… tout les sujets y passent.

    « Pour la connaissance c’est pareil. Apprendre c’est dur, ça demande des efforts mais la récompense est forte.
    Si tout est facile, il n’y a plus d’envie. »

    Enfant ou adulte, quand on est interressé par quelque chose, on apprend facilement, sans effort, et on cherche même a en savoir plus. La facilité n’enlève pas l’envie, c’est faux « in my humble opinion » mais beaucoup ne seront pas d’accord avec moi. Est-ce parce qu’on a été formaté par l’école 😉 ?

  6. Tout cela m’énerve, disons le.
    Je suis connecté, j’adore les Internetz, la liberté fondamentale et phénoménale qui s’y trouve … et je suis prof.
    Et c’est pénible de devoir travailler au quotidien avec une majorité de collègue qui ont peur de tout cela (les phôtes sur Wikipedia, le piratage qui tue les artistes et les musées [sic], Libre Office qui ne fonctionne jamais, …).
    Et oui Axa qui s’occupe d’éduquer les enfants aux dangers d’internet (et je subis ça aussi, assis au fond, à devoir reprendre ça avec eux après).

    Mais ce qui m’énerve le plus, c’est que j’ai l’impression que je peux en apprendre plus sur mes méthodes pédagogiques en en discutant ici, avec vous, pour aider des gamins à ne pas être dégoutté de l’école comme toi Jérome !
    C’est dingue que l’éducation nationale ne soit pas capable de me donner les clefs pour me permettre de faire en sorte que tout le monde accroche et que je puisse apporter des trucs constructifs à tous mes élèves, sans exceptions.

    Faudrait trouver un moyen de synthétiser vos remarques de parents, d’anciens élèves déçus, … pour permettre aux enseignants de mettre en place de nouvelles méthodes.
    Hackons l’école, upgradons là et mettons y une goutte de démocratie directe (et liquide tant qu’on y est) !

    1. faudrait, oui! 😉
      mais c’est global, ce n’est pas qu’à l’école. Difficile de vendre l’horizontalité. C’est parfois décourageant.
      Merci beaucoup et bon courage! 😉

    2. D’accord, et d’accord avec Jérôme aussi, c’est global, et même (j’ai l’impression d’introduire -dans le sens : « intrus »- le sujet dans tous les débats en ce moment…), le problème fondamental ne vient pas du système éducatif. La problématique peut être réglée à un plus bas niveau, pas très loin de la cause des causes de Aristote ( que Chouard reprend ; merci Jérôme de m’avoir infecté =D).

      J’ai trouvé que j’avais eu affaire à beaucoup de profs incompétents dans ma scolarité. Puis je me suis rendu compte avec les Incultures de Franck Lepage, que finalement, ils n’étaient pas tous incompétents, mais que par contre, l’EN ne leur donne pas les moyens de briller. Surtout, j’ai peur que la tête de l’EN, plutôt, n’a aucun intérêt à ce que soit enseigné l’esprit critique. Ce n’est pas ce que veulent les élites. Ça pose problème : pour eux, ça « marche » très bien comme ça. Du coup, exactement, Dimitri, si à l’école, quelqu’un peut en apprendre aux autres, ce sont bien ceux qui viennent d’internet ; mais personne, et surtout pas la hiérarchie, ne va t’apprendre à te servir d’un ordinateur, et encore moins d’internet.

      Finalement ça embourbe le tout pour les élèves, qui eux voient l’approche Axxa qui dit assez probablement pas mal de bêtises, et celle de leur prof qui doit tout reprendre par bonne conscience. C’est du temps perdu, un partenariat complètement hors propos avec une assurance pour l’enseignement d’internet (dites moi qu’il n’y a pas qu’à moi que ça paraît stupide, s’il vous plz), la hiérarchie qui s’enfonce à côté de la plaque, et donc, des élèves qui ne savent pas s’ils doivent écouter les uns ou les autres (et vu qu’en plus on leur demande de ne rien questio-, enfin bref, on tourne en rond).

      Le hard reboot du pays, ça me semble pas mal (et sur un Linux, pas un Windows 8) comme solution.

      1. Je vois de plus en plus ce genre de discours, qui me parait simpliste.
        Cela me rapelle quand je vois sur les forums Linux des gens qui disent « pas étonnant que Linux ne touche pas le grand public, il suffirait pourtant de faire ça, ça et ça et le tour est joué ».
        En réalité, la solution qu’ils proposent ont été essayée par d’autres personnes aussi naïves qu’eux et qui se sont ensuite cassés les dents en remarquant que la réalité était beaucoup plus complexe que ça.

        Ça me parait être le cas également ici, surtout chaque fois que je vois « c’est parce que ça n’arrange pas les élites ». Que les « élites » (« eux ») y trouvent à y gagner et ne font rien pour changer ça, peut-être, mais c’est très peu réaliste de penser que c’est l’effet dominant (difficile de croire que les élites ont autant de pouvoir alors que dans un système démocratique représentatif comme la Belgique, la personne ayant le plus de pouvoir est un homosexuel, issu de l’immigration, orphelin et d’une famille de sept enfants). Il est beaucoup plus raisonnable et réaliste de croire que c’est un effet global, où tout les maillons de la chaîne tendent à faire ça: cela va des profs qui profitent d’une situation plus facile à gérer aux électeurs qui n’ont pas à étudier des dossiers complexes. Malheureusement, cela implique aussi qu’un système horizontal a peu de chance de marcher (c’est pas pour ça qu’il ne faut pas essayer). Mais ceux qui proposent le modèle horizontal ont l’air de ne pas être conscient de ça, ce qui est signe d’une grande naïveté. Ironiquement, on peut croire que les profs qui « enseignent internet » sont plus légitime à enseigner internet que ces personnes le sont pour proposer des solutions politiques s’ils font preuve d’une si grande superficialité (après tout, ça reste de la politique de la peur: « internet, c’est le mal » et « les élites, c’est le mal »).

        Finalement, un truc qui me dérange beaucoup avec Chouard, c’est que, tandis que la démocratie s’est toujours définie par opposition à la fois à l’oligarchie, mais également par opposition à l’ochlocratie, j’ai l’impression que Chouard oublie ce sens premier et n’utilise que le sens qu’on apprend naïvement aux enfants de 7 ans: « c’est le peuple qui décide », alors que c’est plutôt « les décisions sont prises en accord avec les idéaux du peuple », ce qui ne signifie pas que la majorité soit d’accord avec les décisions prises. Pour moi, le premier n’a aucune justification morale, contrairement au second.

          1. Désolé si j’ai laissé croire que j’utilisais l’argument du « naïf et simpliste » à tort et à travers. Ce n’est pas le cas.

            Si qlq’un dit: « si linux ne décolle pas, c’est juste parce que les développeurs de linux n’ont pas réussi à faire un système performant », je trouve ça simpliste et j’imagine que toi aussi (non ?). Du coup, dans ce cas, je le dis.
            Ici, j’ai fait pareil.
            J’ai vraiment l’impression qu’il est bien plus réaliste de comprendre l’échec de l’enseignement comme le résultat des limitations humaines de la plupart des acteurs, plutôt que de dire « yaka virer les élites et ça marchera ». Mais c’est vrai que ça nécessite de penser en 3d, c’est donc moins évident.
            Si maintenant chaque fois que j’émets cette impression on me traite de trolls avec qui il est inutile de discuter, je trouve ça dommage.

            Il y a des fois où c’est réellement naïf et simpliste. Balayer du revers de la main l’objection plutôt que de se remettre en question pour voir si c’est le cas est sans doute plus rassurant.

          2. @j-c y’a pas de mal, on est là aussi pour s’asticoter un peu.
            Mais c’est vrai que le procès en naïveté un peu systématique ne donne pas très envie de développer.
            Je ne me rappelle pas avoir dit « y’a qu’à virer les élites ».
            Personnellement je ne souhaite pas les virer, je souhaite qu’ils n’aient pas le pouvoir, c’est assez différent.
            Je suis d’accord avec toi sur un point: c’est un système global qui déconne, on est tous responsables, je ne désigne pas des têtes de turcs. Je crois vraiment qu’on peut réorganiser les choses à l’aulne d’une situation inédite dans l’histoire Et je sais que beaucoup trouvent ça naïf 🙂
            Je n’idéalise pas, tu ne veux pas tenter un truc qui « a peu de chance de marcher », je suis en désaccord avec toi. Et je trouve que c’est urgent.

        1. @j-c :
          Tututut. La réalité est peut-être complexe, peut-être pas ; ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas besoin de la gérer de manière compliquée. C’est quoi le problème avec la simplicité ? C’est pas parce que tout a toujours été compliqué que ça doit être comme ça, je refuse d’accepter ça. Ça peut être simple, et je ne vois pas pourquoi ça ne devrait pas l’être.

          Ça n’est pas naïf, c’est logique, voire systémique. Je suis personnellement incapable de raisonner autrement. Et d’un point de vue systémique, l’équilibre éducation parentale/instruction scolaire ne sort pas de nulle part, et ce n’est PAS QUE de la faute des parents et des profs. Sinon c’est facile à régler, très facile (mais je sais que Jérôme n’aime pas ma méthode : distribuer des claques aux fautifs).

          Une question, avant d’essayer d’aller plus loin : est-ce qu’on est bien d’accord sur le fait qu’il y ait un problème avec le système éducatif ?
          Si on n’est pas d’accord là-dessus, c’est pas la peine de continuer.
          J’ai eu à débattre avec quelqu’un sur des solutions à un problème dont on n’était pas d’accord sur l’origine ; il a fallu remonter à des définitions de mots, c/c de Wikipédia à l’appui, pour démonter l’irrationnel sur lequel était fondé le désaccord. Et plus jamais. Je suis très très patient, mais l’irrationnel, je ne peux pas. Donc moi je veux savoir si on est d’accord là-dessus.

  7. Cet article ne sert à rien, tout juste à lancer un faux débat de la part de quelqu’un n’ayant pas la moindre idée de ce qui se passe à l’intérieur de l’EN. En tant que prof d’EPS, la finalité inscrite dans les programmes est former un citoyen cultivé, lucide, autonome, et pas seulement en éducation civique. De bien grands mots pour des tentatives de pallier aux déficiences educationnelles des parents. C’est le vrai débat. Si l’éducation est comprise comme l’action d’une culture sur une nature (DURKHEIM), alors la familiarisation des élèves à l’utilisation des TICE au sein de l’Ecole semble favoriser l’accès des élèves à un pan du patrimoine culturel actuel. En fait le vrai débat est plutôt : l’éducation des enfants à la vie est-il le rôle des parents ou de l’école? L’auteur n’en fait pas mention dans l’article . Pour ceux qui n’ont pas eu le bon tirage, l’école peut pallier à certains manques de l’éducation parentale. « Instruire, éduquer, former » > missions du professeur (B0 25 du 29/4/97). Pour bosser dedans, l’impact de mots, de clics sur une réputation au collège et en dehors peut être complètement démesuré et s’élever à l’échelle de confrontation entre plusieurs familles, dépot de plainte etc…

    1. ce commentaire ne sert à rien, tout juste à prouver la suffisance de ceux qui sont « dedans » et qui savent 🙂
      « former un citoyen cultivé, lucide, autonome » non mais lol, et c’est moi qui utilise des grands mots…
      Je n’ai pas du aller dans les écoles où vous exercez, ni mes enfants.

    2. « […] la finalité inscrite dans les programmes est former un citoyen cultivé, lucide, autonome, et pas seulement en éducation civique. »

      Et donc c’est quoi, un citoyen cultivé, lucide, et autonome ? Qui juge de ça ? Est-ce que cette personne est légitime ? En quoi l’est-elle ?

      « […] l’école peut pallier à certains manques de l’éducation parentale. »

      Pour faire court, non. Mais bon, tu le sais mieux que moi, moi je ne suis qu’un fils de prof des écoles, où déjà ma mère en voit des vertes et des pas mûres.

  8. Bon allons-y franco alors : Vous seriez donc davantage légitime, en tant qu’informaticien, pour mieux enseigner internet ? Je ne le crois pas. Vous ne l’êtes pas moins non plus : vous pourriez faire un très bon enseignant en physique quantique. Si si. Effectivement, ça ne se fera pas du jour au lendemain.

    Votre statut et votre expérience en la matière prévaudrait sur celle des enseignants ? vous connaissez internet et eux non ; ça me semble un peu superficiel. En référence à Michel Serres, vous remarquez avec raison que la légitimité des enseignants est sujette à obsolescence, en tout cas à contestation. C’est le cas aussi pour ce qui est du rapport médecin-patient, ainsi pour beaucoup d’autres rapports sociétaux, et ce qui vous concerne plus directement, pour l’évolution du métier d’informaticien… Le votre aussi est sujet à obsolescence, vous en savez quelque chose. Dans un précédent article, vous présentiez l’évolution de votre métier, jusqu’à prendre conscience que ce que vous mettez en œuvre bouscule et balaye l’intégralité d’anciens métiers, jugés par d’autres brusquement peu rentables et dignes d’intérêts, entraînant des conséquences humaines quelquefois désastreuses et irréversibles. L’apport de l’automatisation via l’informatique entre autre, estimée comme bienfaitrice apparaît alors comme destructrice. Dans ce cas, l’obsolescence s’attaque aux usagers de l’informatique : que faire des anciens postiers qui sont remplacés par une machine à tri et classement automatique. Elle se positionne aussi par rapport au métier même d’informaticien : que faire des informaticiens qui dans un contexte similaire sont ou vont être remplacés par des machines et des algorithmes plus performants qu’eux ? Que faire des enseignants qui se trouvent face au même dilemme. Y-aura-t-il encore un enseignant dans la salle ? Y aura-t-il encore seulement une salle, ou un amphi ?

    Internet est un accélérateur géant, un formidable accélérateur. La connexion avec les autres est considérablement accélérée, les conséquences dues aux automatismes matériels et logiciels le sont aussi. On licencie vaillamment au même rythme que ce que l’on déploie en nouvelles technologies, c’est à dire à un rythme proprement hallucinant.

    Vous demandez aux enseignants, à leur hiérarchie directe de reconsidérer la question, constatant que l’institution officielle ne remplit pas son rôle, on confierait alors à la société civile cette tâche importante. Société civile qui serait constituée de gens ouverts et intéressés. Mouais.

    Les enseignants n’ont pas vocation à reconsidérer quoi que ce soit. Ils vont de réformes en réformes, à raison d’une par année scolaire en moyenne, depuis des années. Le système éducatif étant pyramidal et à sens unique, l’institution ne sera pas modifiée par les enseignants. De votre coté, comment avez-vous reconsidéré la chose lorsque vous vous êtes aperçus des conséquences de l’automatisation des chaînes de tri postaux. En demandant aux postiers concernés de reconsidérer la question ? en demandant à leur hiérarchie, la votre aussi par la même occasion ? Il me semble que non. Vous avez pu basculer sur un autre plan, tant mieux pour vous, par contre pour ce qui est d’intégrer ces changements majeurs et mettre en phase l’automatisation postale et l’avenir des personnes remplacées, il y a du chemin à parcourir. Ce n’est peut-être plus votre problème, c’est toujours le leurs.

    Les enseignants incriminés, et leur hiérarchie directe sont dans la même position. Problème : ils ne peuvent pas rebondir comme vous avez pu le faire. Ils ne sont pas assez souples voyez-vous. Et pour beaucoup, la très grande majorité, il ne le veulent tout simplement pas. Alors qu’un informaticien vienne leur expliquer qu’ils ne devraient pas enseigner l’informatique, me semble quand même un rien déplacé. J’ai bien compris qu’il ne s’agit pas d’une attaque de votre part. Personnellement, je ne cherche pas non plus à vous attaquer. J’exerce le même métier que vous, j’ai 50 ans depuis peu, dont 25 environ consacrés au métier d’informaticien, appliqué pour l’essentiel au milieu de l’éducation dans le secteur privé et public, et de l’autre coté du ring, mon épouse professeur des écoles, depuis de nombreuses années en zep. (Vous savez, ces zones sombres ou règne le chaos avec un grand oeil nimbé de lumière…) Nos 2 enfants ont suivis toute leur scolarité primaire en zep, contrairement à un certains nombres de ses collègues qui se sont dépêchés de placer leurs rejetons dans des institutions plus recommandables. Nos 2 grumeaux aujourd’hui au collège s’en sortent bien, merci.

    Nous discutons très souvent de ces bouleversements considérables avec ma moitié. Les changements indispensables ne viendront pas QUE des enseignants, même si certains sont très pointus en tice, tic numérique. Les changements ne seront effectifs que s’ils viennent simultanément des personnes qui prennent soin des enfants, enseignants, parents ET des institutions les plus hautes qui pour l’instant se moquent comme d’une guigne de ce genre de problème. Il semble que sauver les banques et ce genre de choses soit plus important à leurs yeux.

    Ne vous étonnez donc pas que axa assurances fasse sa promo, que Christophe de Margerie pdg de Total autre organisme de bienfaisance, finance indirectement les efforts de l’éduc nat :
    http://www.bastamag.net/Comment-le-groupe-Total-va
    ainsi que par le biais du ministère de la culture :
    http://www.bastamag.net/Comment-Total-sponsorise-l

    Pour ce qui concerne le devenir d’informaticiens dépassés par les événements, voici un collègue commun : John Chambers (winner) patron de cisco qui vient de voir sa rémunération passer de 11 à 21 millions dollars. Dans le même temps, cisco licencie 4000 personnes (loosers) – des informaticiens donc- dans un contexte jugé (par cisco) difficile…..
    Pensez-vous que dans les 4000 nominés certains se reconvertiraient au doux métier d’enseignant ? ils auraient alors tous les critères voulus, non ?….
    http://pro.01net.com/editorial/604514/le-pdg-de-cisco-voit-sa-remuneration-augmenter-de-80pour-cent/

    1. Je crois sentir que sur le fond nous sommes assez d’accord 🙂
      Je ne me sens pas légitime en tant qu’informaticien, internet n’est pas un problème d’informaticiens, c’est une nouvelle structure de société. C’est politique. Les informaticiens ne sont que les mécanos, pas ceux qui conduisent.
      D’ailleurs je n’ai pas dit que je voulais prendre la place des profs, j’en serais bien incapable. Je parle de nous tous, d’horizontalité. Par contre aider les écoles et collèges avec mes modestes compétences, ça j’en serais ravi.
      Je suis entièrement d’accord sur le fait que c’est le haut de la pyramide qui est coupable. Si ce n’est pas clair dans mes propos j’en suis désolé.
      Maintenant si les profs pouvaient se rebeller contre ça, j’en serais aussi bien heureux.
      Je ne comprends pas trop le parallèle avec mon métier: je ne jugeais pas la valeur des profs, je dis juste qu’on leur demande d’enseigner quelque chose qu’ils ne connaissent pas, je veux dire pas plus que quiconque dans la société.
      C’est important l’enseignement tout de même, donc quand j’entends des profs dire n’importe quoi à des élèves, oui, ça m’interpelle 🙂

    2. Tu confonds informatique et internet, et Jérôme ne se positionne pas en tant qu’informaticien pour être plus apte à l’enseigner…

      Pour le reste, je partage ton analyse, sauf sur :

      – le regret que l’informatique puisse être destructeur d’emploi : je dis tant mieux, l’homme a toujours chercher à se soulager des corvées. Le souci ce n’est pas les licenciements. Le souci c’est qu’on ne sait pas quoi faire de cette liberté nouvelle pourtant tant désirée par tant de nos ancêtres, et que ces dégâts génèrent du profit.

      – le fait que les enseignants sont condamnés à subir puisque pas au stade des décisions. Ben on n’est jamais obligé de subir, on peut dire non !

    3. oui, comme Jeff je ne regrette pas que les métiers de postier, de prof ou d’informaticien deviennent éventuellement obsolète, c’est la société de l’après travail qui est le combat important. Qu’on en finisse avec la rentabilité des individus comme seul indicatif de mérite, de droit à subsister.
      Et des 3 si il reste un métier, j’espère et je crois que ce sera celui de prof.

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