Il y a quelques jours un ami qui m’est cher m’a envoyé un coup de gueule, ce n’était pas la première fois qu’il se sentait blessé par ce que j’écris ici.
Le propos général est ma façon peu délicate de parler des gens non connectés. En l’occurrence il s’agissait ici d’une réaction à l’article sur le roman gratuit de Pouthou où j’y allais gaiment dans les caricatures, passant une fois de plus aux yeux de mon ami pour un taliban du numérique.
Comme lui me connait bien et qu’il peut quand même en venir à penser cela de moi, je me dis qu’il n’est peut-être pas le seul à le ressentir comme cela, et je ressens le besoin de faire un mea culpa, une mise au point sur ce que je pense profondément et que mon ironie masque parfois:
Non, je ne prétends pas qu’il faut être connecté.
Non, je ne fais aucune différence entre les connectés et les offline.
Non, je n’estime pas que la maîtrise de quelque technologie que ce soit rend quelqu’un meilleur, plus respectable ou plus admirable.
Oui, je prêche sans relâche pour l’hyper-connexion globale.
Pour être bien clair, je crois que la solution urgente à l’immense bordel planétaire passe par une mise à l’horizontal de la société humaine avant la grande réorganisation. Pour cela la chance inouïe de pouvoir échanger avec n’importe quel terrien m’apparaît comme centrale. Je ne prêche pas pour que tout le monde se connecte, je me bats pour que tout le monde puisse le faire s’il le souhaite, ce qui est sensiblement différent. Je respecte évidemment ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas se brancher.
Pour moi seule compte l’humanité. Je n’admire et ne respecte rien d’autre que la compassion et la vergogne, peu m’importe qu’elle vienne de l’humble ou du puissant. Je n’admire ni Steve Jobs, ni Bill Gates. Je ne vénère aucune star, pas même James Hetfield, Brel, ou Desproges. Aucune fortune ne m’impressionne, aucun succès ne me rend jaloux.
Mon ami aime les livres, il aime l’objet physique, ses odeurs, son contact, ses histoires. Ces arguments je les entends souvent, et je les reçois très bien. Simplement je ne les partage pas. De même beaucoup d’amis aiment les vinyles ou les CDs, pour pleins de raisons tout à fait personnelles et valables, mais je préfère le tout numérique.
Quand j’écris « tu as demandé aux fabuleux gens connectés de financer l’édition d’un livre physique en papier polluant à destination du vieux monde pour pouvoir distribuer gratuitement IRL à des gens du dehors des exemplaires de ton oeuvre » , c’est bien évidemment ironique.
Mais l’ironie par écrit ne passe pas toujours comme telle. Mea culpa donc.
La parole est à la défense.
Je me rends bien compte que j’évolue dans ma sphère et que j’oublie parfois que je m’enfonce dans mon personnage absolutiste, mais je le ressens comme ça.
Mes sarcasmes ont toutefois une excuse: je plaide la légitime défense. A ceux qui comme mon pote ont pu se sentir blessés j’adresse évidemment mes excuses. En retour je leur demande de comprendre une chose: nous les web évangélistes vivons bien pire depuis des lustres 🙂
C’est nous la minorité agressée, chtefraidire. Tu n’as pas idée de ce que fut mon quotidien toutes ces années. La situation commence enfin à changer mais les sarcasmes on en a bouffé. Chaque jour au boulot, avec les amis, la famille, ce ne fut qu’incompréhension et parfois mépris « oui t’es gentil mais je préfère les vrais contacts, moi », « ton monde est virtuel, ta culture c’est un truc d’ado, je suis cultivé, moi », « ah non les mails je peux pas, j’aime écrire, moi », « internet c’est bien joli mais je fais du business, moi », et la liste est longue. Et toutes ces heures à écouter des gens t’expliquer ta naïveté à propos d’Internet alors qu’ils n’avaient pas de modem.
Le doute permanent sur la profondeur de la chose m’a toujours exaspéré. Dans la « vraie vie » j’ai toujours fait preuve de compréhension car je suis gentil, et je sais que c’était généralement dû à l’ignorance. Mais ce fut dur 🙂
Pour résumer je comprends très bien qu’on préfère un livre à une tablette et qu’on souhaite s’en tenir là. A chacun sa liberté. Ce que je fustige c’est l’intolérance inverse, quand on nous explique qu’on est un peu con si on préfère une tablette par cette phrase éternelle « ça ne vaudra jamais un livre » 😉 #immobilisme
Bon tout cela n’est pas bien grave, j’en conviens, mais j’avais besoin de le préciser.
#peace
Et merci @Myriam pour cette petite vidéo qui tombe à point 🙂
Et pour donner un peu d’eau à ta roue à aubes, que je contribue tout modestement à faire tourner également, je citerai ce petit échange entre Peter Kolmisoppi et son procureur :
« We do not use the expression IRL, » said Peter, « we use AFK. »
« IRL? » questioned the judge.
« In Real Life, » the Prosecutor explained to the judge.
« We do not use that expression, » Peter noted. « Everything is in real life. We use AFK—Away From Keyboard. »
« Well, » said Roswall. « It seems I am a little bit out of date. »
extrait de http://watch.tpbafk.tv/
la vie c’est aussi avec/au travers/par l’internet mais pas seulement, apprenons tous à faire la part des choses, je pense. Point d’extrémisme entre nous aussi bien dans un sens que dans l’autre comme dirait notre nouveau François 😉
Bonne journée à toi.
Wil
🙂 Connaissais pas AFK, merci
J’aime bien AFK 🙂
Sinon, don’t traumatise yourself. Je comprends qu’on puisse se sentir « attaqué », mais en même temps, il me semble que nous avons affaire à un bon bougre (notre hôte), et donc s’il écrit un truc que je trouve excessif, je me dis que c’est de la maladresse, mais pas écrit pour blesser.
Et puis ce sont les systèmes qui sont en cause, pas les gens non ?
Oui, je sais, mode « oui-oui » parfois… 😉
Bon ben voila, il suffisait simplement de titiller un peu ma grenouille … je t’aime pour tes prises de position . Tout le monde n’a pas la chance de te connaitre depuis plus de 20 ans … et même si je pouvais me sentir heurté quelque fois par la forme, je n’ai jamais douté de ta bienveillance et des sentiments les plus nobles qui te font aller de l’avant. Merci et Biz .
Je suis tellement totalement en phase avec ton billet que ça m’en fait presque flipper ! Je ressens les choses de la même manière, avec une liberté qui m’est aussi chère pour moi que pour les autres, et finalement, ces différences qui nous enrichissent et nous complètent 🙂