Fin du chômage: Bernard Friot et l’alternative du Réseau Salariat #emancipation #travail #emploi

Edit 10/04/2018 11:28 : j’ajoute en bas de page 3 vidéos récentes, une interview par Aude Lancelin du 09 avril 2018, l’intervention Friot/Lordon à la fac de Tolbiac le 3 avril 2018 et l’interview Friot chez Thinkerview.

oneoutofthousand

Beaucoup s’accordent à penser que l’ère de l’emploi est révolue. Pour certains c’est un positionnement politique de longue date (l’emploi est une aliénation), pour d’autres c’est aujourd’hui plus que jamais un fait: le chômage de masse ne fait qu’empirer et avec la robotisation (d’ici à 2025, les robots pourraient tuer trois millions d’emplois) tout cela va s’accélérer, les ouvriers morflent depuis longtemps, c’est au tour des classes moyennes d’affronter la fin du rêve: avocats, comptables, ingénieurs, et bien d’autres qui se croient à l’abri, réveillez vous, y’a plus de boulot (au sens emploi, pas travail).

Bernard Friot défend une proposition d’émancipation différente du Revenu de Base. Le Réseau Salariat suggère que nous soyons tous rémunérés pour notre qualification, pas pour notre poste, un peu à la façon des fonctionnaires. La première qualification de base étant attribuée à tout citoyen à sa majorité lui donne accès à une rémunération de « premier niveau » qui pourrait être par exemple de 1500€ mensuel. Les salaires ne sont pas versés par l’employeur, ils sont mutualisés. Il n’y a plus d’impôts, que de la cotisation.

Je ne suis pas spécialiste de cette solution, mais elle me semble digne d’intérêt sur bien des points. Je ne creuserai pas en détail, il faut y passer un peu de temps, voire beaucoup, pour comprendre un système pensé avec lequel on peut être en désaccord, mais qui est tout sauf une élucubration abstraite.

Réseau Salariat: https://www.reseau-salariat.info/

Personnellement je n’ai pas encore fait le tour de la chose mais je voulais juste donner les références pour qui ne connaîtrait pas, c’est vraiment sujet à réflexion, notamment pour les gens de gauche, car disons le, pour un capitaliste néo libéral, Friot, c’est le cauchemar.

Il y a un seul point sur lequel je voudrais m’attarder une seconde, le salaire maximum. Il faut bien comprendre qu’on ne parle pas d’une baisse de quelques % du chômage, on parle bien de son éradication. Cette France sans chômage que propose Friot inclut notamment une majoration des revenus (voir la vidéo ci dessus, vers 24:20). J’ai mis 8500€ dans mon illustration, il parle en fait de 6000€ mais comme il n’y aurait plus d’impôt, cela fait un équivalent dans notre monde actuel de 8500€, soit 17000€ max pour un ménage (ce sont des ordres de grandeur). Il n’est donc pas question de couper la tête aux « très riches », mais de leur demander de « survivre » avec cette somme. Selon Bernard Friot, cette mesure appliquée demain léserait 1 actif sur 1000. Il y aurait donc 999 actifs sur 1000 qui auraient tout à y gagner.

Alors pourquoi les 999 soutiendraient-ils le système actuel?

Nombre de gens me rétorqueront certainement que le financement proposé par le Réseau Salariat est biaisé puisqu’une telle solution ferait s’écrouler l’économie, que la fin de l’initiative privée provoquerait un effondrement de la motivation et de l’efficacité, et qu’il n’y aurait plus de sous pour payer tous ces super-fonctionnaires. C’est l’esprit néo libéral ambiant, ultra majoritaire, mais tout de même, ils ne sont pas 99,9%. So what?

Je crois hélas que notre société de compétition nous place tellement dans la peur de l’avenir qu’un rêve plus ou moins conscient de pouvoir un jour faire fortune, et donc de se mettre à l’abri, taraude les esprits. Il n’y a qu’à voir le succès du loto. Qui peut imaginer aujourd’hui découvrir par exemple une énergie renouvelable miracle et ne pas breveter la chose, n’en tirer aucun impact sur ses revenus? (en fait ça existe, mais c’est exceptionnel)  Une refonte solidaire et fraternelle de la société semble pour beaucoup une utopie, quand dépouiller l’Etat pour enrichir le MEDEF semble réaliste même chez les victimes du carnage. Le Père Noël promet des jours meilleurs, de la sainte croissance. Bref.

Et puis comme pour le Revenu de Base, il y a le problème de la confiance en l’autre, beaucoup de gens voient dans ces alternatives des primes à la paresse, de l’assistanat.

Je ne connais pas la proportion des humains capables d’imaginer la fin des rêves de fortune, tout ce que je peux dire c’est ce que j’en pense moi: je suis personnellement tout à fait prêt à vivre dans un monde avec un salaire maximum où mes revenus sécurisés me demanderaient en retour d’abandonner toute idée de m’enrichir de mes éventuelles géniales innovations.

En attendant je continue de travailler dans l’espoir que mon business cartonne, pourtant je ne rêve ni de yachts, ni de montre en or, même plus d’iPhone 7, mais comme 99% d’entre nous, je n’ai aucune sécurité pour l’avenir. Ce modèle ne me plait pas. Je le trouve un peu primaire 🙂

Quelques liens supplémentaires:

Pédagogique et drôle, format conférence gesticulée:

Plus académique et pointu: Friot et Lordon chez Tropiques

Interview par Aude Lancelin pour Le Media

Intervention Lordon/Friot à Tolbiac le 3 avril 2018

Interview chez Thinkerview le 13 mars 2018

9 réactions sur “Fin du chômage: Bernard Friot et l’alternative du Réseau Salariat #emancipation #travail #emploi

  1. J’ai pas encore vue les vidéo mais comme toujours je trouve ça intéressant. Et comme toi le système actuel ne me plait pas et je ne rêve plus de faire fortune mais juste de vivre heureux. Et c’est difficile aujourd’hui de l êtr .

  2. J’ai découvert Friot par Chouard, et je reste encore scotché par l’efficacité de son discours. J’ai choisi de rejoindre le réseau salariat parce que je pense qu’il faut réussir a changer les mentalités pour sortir du capitalisme.
    Friot attaque 4 pilliers : le marché du travail ; la propriété lucrative ; la mesure de la valeur par le temps ; le crédit.

    Et il ne s’agit pas de descendre dans la rue et de tout changer en un jour, ça prendra du temps.

  3. L’idée ne manque pas d’intérêt, elle serait capable de donner un nouveau souffle à notre société qui s’asphyxie lentement. La société a un énorme travail à faire sur elle même, ce travail ne correspond pas à de l’embauche, pourtant la nécessité de ce travail est incompressible. Le néolibéralisme ne laisse aucune palace aux réflexions constructives, seule une sorte d’agitation spasmodique est possible. Il faut redonner de l’ampleur à la capacité d’être de chacun et cette idée peut être le pivot qui permettrait le phénomène. Il y a des idées, des synergies qui germent un peu partout, qui sont pour l’instant contenues par la pression néolibérale. Il suffirait de faire sauter quelques verrous pour qu’un souffle nouveau parcoure la société et qu’un véritable travail se mette en place. Comme toute révolution cela ne durera qu’un temps. Cependant l’ampleur de la tâche à accomplir peut laisser supposer que la durée de cette rotation soit significative, donc riche en événements novateurs au service de l’être humain et par définition de son environnement.
    J’ai quelques articles sur mon site perso qui sont en corrélation avec le thème abordé et qui peuvent aider (enfin c’est dans ce sens que je les ai produit) :
    http://cochon-de-bretagne.pagesperso-orange.fr/revenudebase.html
    http://cochon-de-bretagne.pagesperso-orange.fr/proprietaire-intellectuel.html
    http://cochon-de-bretagne.pagesperso-orange.fr/une-propriete-de-la-dimension-monetaire.html
    http://cochon-de-bretagne.pagesperso-orange.fr/sur-la-legitimite-du-pouvoir-de-l-homme.html

    Yannick Le Corre

    Ps : Continuons à penser et à dire que nous pensons…

  4. Merci pour ces liens. Il n’est pas si évident d’adhérer à ces idées car on a du mal à se retirer de la tête que la quantité de valeur produite peut beaucoup varier d’un individu à l’autre en un temps donné. Et ce principe de salaire maximum peut sembler frustrant quand on imagine que la valeur qu’on a pu produire dépasse, parfois de beaucoup, ce salaire maximum proposé.
    Et je le dis alors que je suis moi-même loin des 8500, ou même des 6000€.

    Autre remarque sans rapport : Tu sembles aimer les conférences et les idées de Franck Lepage. De ce que j’ai compris dans sa conférence sur la culture populaire, il vit en Bretagne lui aussi, probablement à moins de quelques centaines de kilomètres de chez toi (beaucoup moins je suppose). Tu n’as pas cherché à le rencontrer ? Je vis à côté de Paris. ça fait un peu loin pour moi, mais je me dis maintenant que j’aurais probablement tenté. Histoire de rigoler, de l’écouter vulgariser l’économie et la politique, et d’en remettre une couche dans ces domaines que je trouve chiants à souhait mais qui sont quand même importants.

    1. oui il n’est pas super loin, si j’ai l’occasion de le croiser se sera avec grand plaisir mais à priori je doute qu’il attende ma visite 🙂

  5. Ben oui, le chomage va augmenter, le% de la Poulation active va fortement « diminuer » : Le déclin économique Occidental, et encore plus de l’Europe ne fait que commencer … à s’accélérer. Depuis 70 ans le modèle consumeriste de forte croissance par la demande dans des Pays disposant d’une souveraineté monétaire a été extrêmement libérateur des Individus/Individualités … Femmes … mais aussi du chacun pour soi ». Le « libéralisme économique » l’a mondialisé.

    Quand les Pays qui le commence sont en forte croissance, parfait,

    mais quand sans croissance comme déjà,
    puis en forte décroissance comme va bientot le devenir l’Europe, (ses « rentes de situations » héritées de 2 siècles de domination mondiale de « l’Occident » s’étant « érodées »)

    toutes ces individualités en compétitions vont être génératrices de beaucoup beaucoup de « violences »/conflits, partout, entre chacun et tous.

    C’est donc pour alors (5 ans ?) qu’il est important qu’aie subsisté, n’ai pas été démantelé le systême de re-distribution français en faveur des « plus faibles », et qu’il soit alors généralisé à toute l’Europe … car sinon … grave grave …

  6. Ce qui me pose problème dans la thèse de Friot, ce sont les questions de compétences, de niveaux de salaire, et de tout ce qui tourne autour de la définition de ces niveaux. Qui défini les niveaux ? Qui fixe les salaires ? Et comment ?

    Le système est non-égalitaire et offre des possibilités d’abus, contrairement au revenu de base, qui pose les mêmes problématiques de savoir qui défini le montant et comment, mais avec l’avantage que personne ne peut vraiment en abuser puisque c’est le même pour tout le monde.

    1. Toutes les questions que tu poses, Friot n’y répond pas, parce qu’il ne propose pas un système complet tout en un. Ces questions doivent être débattu et c’est la que ce jouera la lutte des classes, les rapports de force.

      Comme exemple de fonctionnement, aujourd’hui les fonctionnaires passent des concours pour obtenir leur qualification.

      Le RdB, contrairement au Salaire à vie, se construit sur le capital. Il le légitime et transforme tout bénéficiaire en un « assisté » du capital.
      Le RdB peut se cumuler avec un emploi, et je pense même que vivre sans emploi sera toujours impossible malgré le RdB. Le Salaire à vie au contraire, c’est pour supprimer l’emploi, pour qu’enfin on reconnaisse les travailleurs comme seul producteur de valeur et que l’on est plus besoin de passer par l’emploi. En supprimant l’emploi, on supprime le chomage.

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