Plusieurs personnes on récemment eu la gentillesse de me relancer sur mon projet de livre d’Éducation Populaire au Numérique. L’occasion de faire un point, de partager ma vision du machin.
Avancement
Je ne suis pas allé très loin, mais je ne lâche pas l’affaire et j’y pense beaucoup. Pour raisons personnelles il est difficile de s’y mettre sérieusement en ce moment mais la réflexion continue et l’envie reste intacte.
Je propose une preview de ce qui serait surement le premier chapitre. C’est juste pour donner une idée du ton, c’est surement plein de fautes et il n’est pas exclu que je le réécrive suite à cogitations 🙂
Pourquoi
Le numérique concerne absolument tout le monde et force est de constater que nous avons été naïfs de croire que les choses s’amélioreraient avec le temps. Beaucoup d’années ont passé et rien n’a fondamentalement changé, les populations sont toujours aussi larguées. Certes à tous âges des citoyens bricolent, se débrouillent, savent envoyer un mail pour certains, faire une page facebook pour d’autres, mais c’est très inégal et surtout l’essentiel n’est pas là: on apprend à utiliser quelques outils disparates, mais on n’avance pas sur la maitrise de sa vie numérique.
L’objectif n’est pas de faire des experts en informatiques, mais de trouver un moyen de donner un minimum de connaissances de base pour faire des citoyens (un peu plus) émancipés.
Comment
- Trouver un ton, une pédagogie. Suite à des cours que j’ai donnés à des CP/CE1/CE2, j’ai pris le parti d’écrire pour des enfants en espérant que les parents et les grands parents accrocheront aussi. Pas pour infantiliser le discours, mais parce que de la sorte on évite un piège, celui de l’implicite. On a très vite tendance à utiliser des mots qui semblent évidents et qui ne le sont pas pour tout le monde.
- Partir du bas niveau: je démarre par les 0 et les 1, en remontant, doucement. Est-ce le bon choix, je ne sais pas, mais c’est le mien 🙂
- Essayer tant que possible de trouver des ateliers pratiques avec des jeux simples et du matériel banal.
- Admettre des réalités douloureuses: je crois qu’il faut se résoudre au papier 🙂 J’avais envie de faire un joli site, c’est tellement commode et agréable, faire des vidéos aussi, mais voilà, à bien y réfléchir, les gens que je vise pour beaucoup n’iront pas lire tout ça sur écran. Je ne veux pas faire des tutos d’outils (même si j’adore ça) pour des gens qui sont déjà en ligne, je veux trouver un mode d’expression susceptible de toucher tout citoyen, quelque soit son niveau d’éducation et de connexion. Dans l’idéal il faudrait donc un livre matérialisé.
- Tester auprès du public. Je vais essayer de trouver des gens qui sont le « coeur de cible » et qui accepteraient de me lire, de me donner un avis. Beaucoup de camarades geeks m’ont proposé leur aide dans la relecture (voire même dans l’écriture) mais en fait je préfèrerais des gens qui n’y connaissent rien, pour qu’il me disent si ça leur parle ou si c’est incompréhensible.
- Diffuser librement. Si ce projet aboutit (rien n’est moins sûr 🙂 ), je souhaite qu’il soit disponible pour tous, pouvant payer ou pas. Bien sûr le papier ne peut pas être gratuit mais le PDF le sera surement. On verra. Certainement du CC0 en ce qui concerne le contenu.
- Soutien: pas mal de gens me proposent de l’aide, merci à eux, mais pour ce qui est de la phase d’écriture j’ai envie de la jouer solo. Par contre pour le reste, j’ai la chance d’avoir des cadors qui m’assurent de leur intérêt pour la chose, voire d’éventuels soutien ou collaboration. Enfin ça c’était avant que je diffuse une preview 😉
Évidemment tout cela est très ambitieux, mais je m’y attèle en toute modestie, sans autre volonté que d’essayer. Ce sont des idéaux, un cap. Et puis même si le résultat est nul peut-être qu’un schéma ou une idée d’atelier servira à quelqu’un quelque part 🙂
Plus généralement à propos d’éducation populaire au numérique
Puisqu’il m’arrive de râler, notamment sur l’Education Nationale et le Numérique, on me rétorque souvent que la critique est aisée: « mais qu’est ce que tu proposes? ».
J’en conviens, c’est facile, et je ne prétends pas avoir la solution. J’ai des opinions, je les exprime. Voici quelques unes de mes dernières réflexions, mon humble avis, les résolutions que je m’applique à moi même.
Aller sur le terrain
Plus que jamais, il nous faut être des évangélisateurs. Je pense que la communauté geek sensible à cette vision d’un manque abyssale d’éducation au numérique des populations pourrait se fédérer pour faire interface. « les gens » ne sont pas sur internet. Aujourd’hui les ordinateurs ont investi les foyers et les poches, même des plus modestes, mais au service d’un Web marchand. On fait du minitel en couleur comme dirait surement Benjamin Bayart, mais le numérique politique, lâchons le mot, celui qui nous relie et qui devrait être une force pour tout citoyen est plus vécu comme une menace, un machin qui inquiète. « La peur doit changer de camp » 🙂
Nos jolis blogs ou sites pédagogiques n’atteignent pas grand monde. Bien sûr certains ont de très gros trafics, mais ce sont des sphères limitées. Il faut aller rencontrer les gens. Je le reconnais, j’ai du mal avec ça, trop heureux que j’étais d’espérer changer le monde derrière mon clavier, mais je me soigne, je me bouge.
Je pense donc qu’il faut s’armer d’outils pédagogiques, idéalement libres bien sûr, et les proposer à nos proches en les assistant, ou faire tourner des associations de formation, comme le fait mon cher cousin @raydacteur à Crozon et à qui je pique cette magnifique photo de classe 🙂
Les geeks doivent accompagner les non geeks (pardon pour cette formulation évidemment réductrice).
A mon petit niveau j’essaye donc d’agir sur le matériel pédagogique avec ce projet de livre, et dans mon village d’imaginer comment je pourrais diffuser la bonne parole. J’ai commencé avec les petits, je réfléchis pour démarrer des choses avec les grands.
Je sais que j’ignore certainement nombre d’initiatives qui existent déjà et vont dans ce sens. N’hésite pas à m’en parler si tu connais des choses formidables. Par exemple existe-t-il un site qui rassemble le top des ressources pédagogiques libres?
Toute info est bienvenue, merci camarade!
Source photo: Presqu’île Informatique Crozon
Trop bon l’idée des legos !
Mais personnellement j’ai toujours évité les termes comme « idiot » ou « bête » pour expliquer un ordinateur, surtout pour des enfants : je trouve que cela humanise l’ordinateur, qui n’est au final ni bête ni intelligent mais une machine qui exécute un programme.
je le note, merci 😉
Un passionnant projet pour une belle aventure à suivre !
Un lien à propos du libre et des ressources qu’on y trouve :
http://doc.ubuntu-fr.org/le_monde_du_libre
Oui, la solution existe …
merci!
Voila un ordinateur en légos pour des cours d’informatique avec des légos 🙂
http://www.minimachines.net/actu/micro-lego-computer-une-bonne-idee-dutiliser-des-legos-comme-boitier-32395
Pour trouver des gens qui sont le « coeur de cible » et qui accepteraient de te lire, de te donner un avis c’est simple: on peut demander à nos enfants, neveux, nièces, filleuls, …
Je suis certain qu’ils le feront avec beaucoup d’enthousiasme 🙂
Demande et on fait passer puis on t’envoie les retours de nos chères têtes blondes
PS: En ma qualité de geek prévenant, je te fais grâce de mes commentaires; je dirai juste une chose : continue, c’est génial ! 🙂
🙂 🙂 🙂
Je souscris à 100% aux attendus de ton projet d’une éducation populaire au numérique car effectivement, le matériel didactique fait jusqu’à présent défaut, notamment sous une forme synthétique. J’admire ta patience et l’ampleur du projet que tu inities.
Pour autant, je ne peux te cacher mon malaise devant le contenu que tu proposes. Pour parler franc, ton projet me semble être une initiation à l’informatique et non au « numérique ». En effet pour moi, la culture numérique se situe à un autre niveau que l’informatique à l’instar de la conduite automobile dont la maîtrise complète ne demande pas de compétence en mécanique rationnelle, ni en thermodynamique…
De ce fait, je m’interroge aussi sur le public visé…
Je peux me tromper (je ne suis pas un pédagogue) ; tu devrais peut-être solliciter l’avis de quelqu’un comme Michel Guillou…
Amicalement
c’est pourtant l’idée inverse: je ne veux pas donner des cours d’informatique, apprendre à programmer ou utiliser Word.
Dans l’idéal je voudrais simplement que les citoyens comprennent quelques briques « bas niveau » parce qu’on dit aux gens faîtes attention à vos données, mais ils ne savent même pas ce que sont des données. Ce premier chapitre me semble essentiel car quand on en vient à parler d’usages, de collaboratif, il est très utile si pas essentiel de comprendre un minimum le terreau de base.
Pour reprendre la métaphore de la voiture, oui, on n’a pas besoin de connaitre tout de la mécanique pour conduire, mais on apprend aux gens que l’essence c’est dangereux, que ça s’enflamme, qu’il y des précautions à prendre.
C’est peut-être un effet de perspective parce que tu commences par le codage de la réalité – démarche cartésienne – et le codage, c’est de l’informatique… J’attends la suite qui rééquilibrera les choses…
Moi aussi, j’attends la suite 😉 merci!
@jérome : « c’est pourtant l’idée inverse: je ne veux pas donner des cours d’informatique, apprendre à programmer ou utiliser Word.
Dans l’idéal je voudrais simplement que les citoyens comprennent quelques briques « bas niveau » parce qu’on dit aux gens faîtes attention à vos données, mais ils ne savent même pas ce que sont des données. »
Dans un commentaire précédent (qui n’apparait pas ?) je m’étonnais que tu te limites aux données, je comprends mieux, mais n’est ce pas plutôt sur l’outil (ordinateur, smartphone) auquel les gens confient leurs données qu’il y a une grosse incompréhension ?
Merde Jérôme ! J’avais raté ça (ou oublié ? C’est l’âge…).
Toujours est-il que sans rentrer dans le détail du tech, pgm, ou numérique, si tu as besoin d’aide, d’avis, je ferai ce que je peux. Et je crois même que le canal DHG de Slack serait partant…
Thanks!! 🙂
Toujours aussi têtu et borné, je pense quand même que la principale méconnaissance des utilisateurs du numérique ne se situe pas dans les données mais dans les outils qu’ils utilisent (OS et programmes)
Pour rejoindre ton intro sur l’ordinateur « idiot » et le commentaire de liums, une formation de pilotage de tortue (langage LOGO) est ludique et fait bien comprendre ce qu’est un ordinateur (ou un robot qui conduit une voiture ou une boite noire chez un FAI), un automate que ne connait que quelques instructions mais travaille très très vite sur de très très grandes quantités de données.
Le langage LOGO : https://fr.wikipedia.org/wiki/Logo_%28langage%29
« Logo propose une approche de l’utilisation de l’informatique délibérément constructiviste. C’est l’apprenant, enfant ou adulte expérimenté, qui est le principal acteur de son apprentissage, et l’ordinateur n’est présent que pour lui permettre de construire des réalités dans des environnements divers : les Micromondes, à l’aide d’un langage informatique spécialement conçu à cet effet (la géométrie Tortue en est un exemple). »
je pense que les données sont la brique de base. Il me semble plus facile de parler de programmes ou de fichiers si on a une notion de quoi ils sont faits.
Bien sûr les OS et le programmes sont importants, mais quand je vois des gens perdus autour de moi, finalement quelque soit l’OS l’essentiel passe par le web. Pour beaucoup de gens les ordinateurs sont des consoles Google ou Youtube, quand ils savent déjà ce que c’est.
J’ai un tshirt avec le logo Firefox en gros. Si tu savais ce que j’entends… « Oh google! » « Tiens c’est Youtube… »
Je connais plein de gens qui ne comprennent pas qui leur demande un mot de passe. « Il me demande mon mot de passe. C’est mon mot de passe Apple que je mets? Google? Gmail? Facebook?… »
« Je connais plein de gens qui ne comprennent pas qui leur demande un mot de passe. »
Il s’agit donc bien d’une confusion sur le « programme » demandeur de la donnée, non ?
Tu as bien évidemment raison, les données binaires sont la brique de base car elles sont aussi la brique élémentaire des algorithmes. Mais dans la révolution du numérique, la numérisation des données de l’utilisateur (ses textes, ses photos, ses sons, etc) est bien facilement compréhensible par l’utilisateur lambda que la déshumanisation d’un « acteur » avec lequel il interagit (un service web ou un logiciel client)
Avoir une clé USB dans son sac ou un bon vieux dossier et un album photo, la révolution conceptuelle pour l’utilisateur est bien moindre que de ne plus confier son dossier ou album photo à un intermédiaire humain (en main propre ou par la poste) mais à un logiciel client sur son ordinateur ou smarphone, qui va le transmettre à un logiciel serveur sur le web. Surtout, comme tu le rappelles, que pour beaucoup, la subdivision imbriquée de leur l’écran en plusieurs intermédiaires locaux ou distants est plus que confuse.
Une bon moyen pédagogique pour aider l’utilisateur à décomposer les différentes couches des outils qu’il utilise c’est d’imaginer le « rôle » d’un acteur humain à chacune de ces couches.
Ma mère de 82 ans -> firefox -> son OS -> son matériel -> son FAI -> les « routes » d’internet -> un service web (lui même matériel->OS->logiciel)
Ma mère de 82 ans -> libreoffice -> son OS -> son matériel -> son disque ou sa clé USB